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sabato 9 giugno 2018

LA PAIX COMME FORME DE VIE, par Tito Alvarado

© Pablo Picasso
De plus de six mille langues existantes dans le monde, trois mille ont peu de possibilités de continuer à être utilisées au cours du prochain siècle. Cette donnée tragique représente un constat terrible, nous perdrons trois mille façons d’approcher la vie et l’humanité à partir de la perspective des autres dans leur relation avec le milieu qui les entoure. Cependant, comme il s’agit d’un cas de mort pour les personnes qui utilisent ces langues, c’est perçu comme une donnée anecdotique, comme une sorte de fatalisme ; en réalité, on s’en lave les mains alors que nous incombe la responsabilité de travailler à la survie de la variété des cultures et des langues. Sauvegarder une langue, c’est sauver une manière d’entrer en relation avec le monde, un outil de culture. Mais il y a beaucoup d’autres thèmes aussi pertinents que les enjeux liés à la problématique des langues en voie d’extinction. La vie même est en danger ; les 25 prochaines années sont décisives quant à la poursuite sur la même lancée ou quant à un changement de mode de vie.
Je crois avoir lu quelque part dans un document dont j’ai perdu la trace qu’existent plus d’un million d’initiatives et d’organisations dont l’enjeu de leur action est la paix mondiale. Malheureusement, il ne semble pas y avoir de coordination entre elles. Est-ce en raison du « conditionnement » qui nous laisse croire que chaque individu est une île ? Est-ce la loi du moindre effort ? Ou, pire encore, à cause d’une morale éloignée de la réalité ? Certes, chaque entité est de bonne foi, mais cela ne suffit pas pour que cessent les guerres dans le monde. Ces guerres sont créées avec la volonté de contrôle des ressources en utilisant des arguties pour faire croître la peur de menaces factices. Nous sommes devant les portes d’un dilemme auquel l’espèce humaine n’a jamais eu à faire face : garantir la survie de tous et toutes ou périr.
On ne perçoit pas toujours bien l’ampleur de cette tragédie. Les préoccupations quotidiennes pour la survie ne nous permettent pas de nous projeter dans ce drame qu’est la vie, avec les jours comptés, et nous continuons à agir de la même manière. En outre, les pouvoirs manipulent notre capacité de réponse et nous amènent à penser et à agir selon des intérêts éloignés du bien-être de tous et toutes et de chaque individu. Même si des millions de personnes travaillent pour la vie, la balance penche vers la fin de la civilisation étant donné que beaucoup de gens agissent en fonction de leurs intérêts immédiats, toujours en contradiction avec le bien-être collectif.
La paix peut sembler seulement un thème facile à développer alors qu’il s’agit d’un objectif difficile à atteindre. Je ne pense pas la paix comme un fait immédiat quand je vois la quarantaine de conflits armés et les centaines d’interventions armées qui empêchent la convivialité pacifique des nations et des personnes. Il suffit de suivre un peu le fil des informations pour constater qu’on ne nous dit pas toujours la vérité ; la soi-disant vérité reflète les bénéfices immédiats et à venir de ceux qui exercent les pouvoirs avec toutes leurs tentacules incluant le recours aux crimes, aux scandales et à la corruption pour toujours maintenir les mêmes règles du jeu ; dans ce casse-tête, les bonnes actions ressemblent à des farces. Le commerce des « nouvelles » ne consiste pas à communiquer réellement ce qui arrive, mais à privilégier le morbide et les faits funestes jusqu’à satiété. On falsifie souvent la vérité en édulcorant les faits véritables ou en racontant carrément des mensonges. Nous évoluons dans un monde d’images, celles des pouvoirs derrière le pouvoir. Ainsi, nous n’atteindrons jamais la paix comme un moyen pour développer tout notre pouvoir de création. Cela doit et peut changer.
La paix comme thème en arrive à ressembler à un lieu commun, comme un mot vidé de sa signification. Si nous nous en remettons à l’histoire, nous constatons que la paix a toujours été la plus grande utopie jamais réalisée ; peu importe que plusieurs pays ne soient pas en état de guerre, malgré un calme relatif, chaque jour on peut noter les ravages d’une forme de vie construite par des coups de force. Nous en sommes réduits à un champ d’études techniques et scientifiques qui étouffent les personnes qui pensent et agissent d’une manière différente. Dans ce champ d’honneur, des personnages, perçus selon une éthique de la paix, présentent un visage d’assassins à l’état naturel. Maintenir les armées avec toute leur ferraille coûte les yeux de la tête et rapporte peu au pays qui paie pour des services… « virtuels ». Ce sont des dépenses inutiles alors que plusieurs catégories de travailleurs et de travailleuses se retrouvent mal payés (professeurs, ouvriers, artistes, artisans).
Les actions sont limitées devant la distance croissante entre la minorité qui possède beaucoup et les majorités qui ont peu, presque rien ou tout simplement rien devant les désastres multiples : changements climatiques, décroissante alarmante des ressources hydriques, amoncèlement scandaleux de plastiques sur toute la planète (particulièrement dans les mers), gaspillage de biens et produits alimentaires qui se retrouvent dans les ordures, pauvreté extrême de plus de deux milliards de personnes condamnées à la survie. Face à toutes ces catastrophes, des millions de personnes devraient agir sur plusieurs fronts avec héroïsme courage et détermination afin de limiter l’avancée de l’humanité vers l’abîme.
Nous pouvons continuer à lever la bannière de la paix et de la sécurité, mais nous n’y verrons aucune différence si nous ne créons pas une brèche profonde entre la nécessité et le possible. Aujourd’hui, bien que nous fassions face à des catastrophes imminentes, la conscience collective critique semble avoir perdu ses repères.
Si nous cherchons une définition qui valorise le mot « paix », nous allons découvrir avec surprise que le terme est défini à la lumière d’une idéologie exprimée selon les codes du langage et de la vision de la classe dominante. On perd de vue la signification que lui accordent les personnes qui croient à un nouvel ordre social possible et nécessaire.
N’importe quel expert des questions sémantiques nous dira que le mot paix réfère à un état de bien-être, de tranquillité, de stabilité et de sécurité. On réfère aussi à un état d’harmonie libre de guerres, de conflits et de contre-temps. Cette définition reste dans les limbes de l’ambiguïté même si elle se voulait catégorique. Dans toute l’histoire de l’humanité, jamais on n’a pu être témoin de cet état de bien-être, de tranquillité, de stabilité et de sécurité. Regardons chaque dimension en détail. Atteindre un certain bien-être réfère à un niveau de richesse valable ; actuellement, la pauvreté touche plus de monde que la richesse. Actuellement, le pic est absolu : 1% de la population mondiale contrôle 50% des ressources mondiales. La tranquillité fait référence à la certitude que nous ne pouvons pas prétendre, si l’on se observe les catastrophes majeures causées par des facteurs mineurs, que notre vie est comme les vagues qui se brisent sur les rochers. La stabilité est quelque chose de très relatif ; en réalité, il s’agit de vagues contradictoires, car à certains moments arrivent diverses stratégies « gagnantes », mais par la suite le système économique replonge dans une période d’instabilité. La sécurité est une blague… cruelle. Elle n’existe pas vraiment. Il suffit d’observer ce que doivent subir les passagers dans un aéroport pour s’en rendre compte. Par ailleurs, la prolifération des compagnies de sécurité est phénoménale. Et que dire des arsenaux impressionnants, sophistiqués et de plus en plus dangereux que l’on retrouve dans les services policiers.
La définition de la paix déjà mentionnée est simplement un euphémisme qui nous ramène à la dimension superficielle. Penser la paix dans sa profondeur est impossible étant donné l’essence même de l’ordre social dans lequel nous vivons, car tout est basé sur le fait qu’une minorité cherche constamment à augmenter ses profits en luttant constamment contre les autres. La compétition est le mot-clé le plus en vogue ; c’est la source de tous les conflits. On vit pour gagner et vivre avec les gains. Ce semble un jeu de mots, mais il s’agit bel et bien d’une vérité consacrée comme une morale. Les banques, les compagnies d’assurances, les compagnies de construction, par définition, s’avèrent des voleurs de grands chemins. Leurs profits montent en proportion plus grande que le coût de la vie pendant que les salaires des gens qui vivent de leur travail restent stables ou augmentent très peu ; ainsi, on perd des acquis et le salaire se dilue dangereusement.
Nous vivons le cauchemar à savoir les ressources de la planète arrivent à subvenir aux besoins des êtres humains pour qu’ils puissent profiter pleinement de leurs possibilités, cependant cette situation augmente la brèche entre ceux qui possèdent beaucoup et ceux qui ont peu. Ce terrible constat ne semble pas perçu comme une injustice. La science et la technique fournissent des réponses à la majorité des problèmes humains, mais le manque de ressources, les intérêts des sociétés transnationales, l’« éthique » du marché empêche que l’humanité puisse implanter ces solutions parce que les règles du marché imposent leurs conditions comme une immoralité absolue ; des milliers de tonnes de produits non vendus se perdent dans des lieux secrets.
Paix restera un mot de bonnes intentions et rarement implanté dans la vie quotidienne en attendant que nous rencontrions une solution radicale qui irait au fond des choses. Il s’agit d’éliminer les règles du jeu qui facilite le vécu en des guerres constantes qui entretiennent l’appauvrissement et le traitement inacceptable des personnes. D’une manière urgente, un changement radical de culture s’impose c’est-à-dire une révolution culturelle qui placerait le bien-être de tous les êtres humains, sans distinction de races, de croyances religieuses, d’origine ethnique et/ou nationale ou de toutes les autres barrières qui divisent l’humanité. Le drame d’aujourd’hui est la vie ; poursuivre sans changements profonds signifie aller de mal en pis et atteindre un point de non-retour. Si nous en arrivons là, le dommage sera irrécupérable. Les changements nécessaires s’imposent aujourd’hui même et doivent suivre deux lignes directrices centrales : changer les modèles de relation entre nous et de nous avec la nature. Tout d’abord, rappelons que la cause principale de la détérioration de la vie sur la planète terre est unique et fondamentale : la recherche constante du profit. Au contraire, les relations entre nous et avec la nature devraient reposer sur la solidarité, se sentiment fraternel qui nous humanise et nous élève en tant que personne.
Un nouvel ordre n’est pas seulement possible, il est extrêmement nécessaire, car les ressources de la planète peuvent parfaitement satisfaire les besoins de tous les êtres humains. En ce sens, il faut considérer douze fondements de la paix qui s’avèrent à la fois des motifs de changements culturels, c’est-à-dire une nouvelle façon de voir le monde et de nous voir dans cet univers en assumant notre part de responsabilité sur le plan de la conscience, de la participation, de l’information et de la prise de décision :

• partager la planète comme le seul foyer commun de tous les habitants de la Terre ;
• distribuer les biens en proportion des besoins ;
• investir dans l’éducation, la recherche scientifique et technologique et le développement d’une conscience sociale critique ;
• garantir un salaire minimum unique éthique et un salaire maximum qui ne soit pas supérieur à cinq fois le salaire minimum ;
• développer des pratiques transparentes par rapport aux salaires, aux profits et aux bénéfices ;
• légaliser la terre, l’eau, l’air comme des biens sociaux non commercialisables ;
• démobiliser les armées ;
• instaurer une monnaie d’échange équitable ;
• favoriser la libre circulation des personnes ;
• interdire que la santé, l’éducation, le logement et les pensions soient des biens objets de commerce ;
• rendre gratuit le transport collectif dans toutes les villes qui peuvent compter sur des transports collectifs ;
• considérer l’impact écologique de tout projet de développement.

Les voix de la discorde diront que cela est impossible, tout comme fut impossible en son temps l’aventure d’explorer les mers pour en arriver, par des routes méconnues, à l’autre bout du monde. C’était impossible aussi de transporter de l’eau à partir de sources sur plusieurs kilomètres de distance comme ce fut le cas de l’aqueduc de Segovia qui a résisté durant des milliers d’années. Impossible aussi paraissait s’engager dans l’espace pour arriver jusqu’à la Lune tout comme le développement des outils de communication de masse grâce aux sciences et aux technologies. Aujourd’hui, les sciences et les technologies ne peuvent rebâtir les pyramides d’Égypte qui nous narguent depuis des millénaires. Aujourd’hui, nous affrontons l’urgence de la nécessité ; c’est le temps de passer à l’action en vue de réaliser un monde meilleur sur toute la planète.
Quand nous pourrons mettre en œuvre ces douze leviers du changement, nous entrerons dans l’ère du plein potentiel créateur du développement des êtres humains. Nous pourrons vivre en paix en utilisant d’une manière humaine et responsable les ressources, la technique et la science. L’impossible deviendra réalité ou la vie ne sera plus possible. Voilà le dilemme !

[traduction de l’espagnol par André Jacob]

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