de Vincent Présumey
(militant de ENSU/RESU)
FRANÇAIS - ENGLISH
Mercredi 26 juillet circulait la nouvelle de l’arrestation de Boris Kagarlitsky par le FSB, qui l’a rapidement transféré de Moscou à Syktyvkar, dans le grand Nord, sous l’inculpation d’« apologie du terrorisme », avec un procès annoncé pour septembre où il risque 7 ans de prison.
Le régime russe, qu’il s’agisse des fidèles de Poutine ou d’autres réseaux, n’a aucune légitimité et aucun droit historique à juger qui que ce soit – même pas le criminel tortionnaire Girkin. Boris Kagarlitsky n’a rien à voir avec le « terrorisme » et est une célébrité dans la « gauche radicale » internationale, ce qui donne le sens politique de son arrestation au plan international. Aplutsoc s’associe donc à la déclaration qui circule dans le RESU et cela indépendamment des questions abordées dans la suite de cet article :
Le 25 juillet dernier, Boris Kagarlitsky, intellectuel reconnu et militant socialiste a été arrêté par le FSB sous l’accusation de « justification du terrorisme », et immédiatement transféré à Syktyvkar, à 1300 km de Moscou. Là, la cour a décidé, lors d’une audience à huis clos et hors la présence de son avocat, le maintien en détention jusqu’à son procès qui se tiendra courant septembre, et à l’issue duquel il pourrait être condamné à 7 ans de prison.
Les poursuites et la détention de Kagarlitsky se situent dans le contexte d’une campagne répressive engagée par le gouvernement qui tente de faire taire toutes les voix qui s’opposent tant à l’invasion de l’Ukraine qu’à sa politique intérieure. Depuis l’année dernière le gouvernement Poutine s’est attaché à poursuivre, incarcérer ou forcer à l’exil nombre de personnalités politiques reconnues, intellectuels et militants, qui se sont élevés publiquement contre la guerre en qualité de simples citoyens au travers des réseaux sociaux. Celui de Kagarlitsky a été classé « agent étranger » en mai.
Nous exprimons notre solidarité avec Boris Kagarlitsky et exigeons sa libération immédiate comme celle de tous les détenus pour motifs politiques.
Ceci posé, une campagne pour la libération de Boris Kagarlitsky doit pour nous, et, pensons-nous, pour le RESU s’il devait s’y engager comme tel, être bien comprise politiquement pour être efficace. Ceci demande sans doute une pleine information de tous les militants. C’est l’objet de cet article. Pour faire comprendre qu’il pourrait y avoir un problème, signalons deux communiqués en provenance de Russie.
Le premier de ces communiqués est celui des Patriotes en colère, le fan club d’Igor Girkin alias Strelkov : https://t.me/KRPRus/147.
Girkin-Strelkov, très connu en Russie et sordidement connu en Ukraine, en Bosnie et en Moldavie, est un cadre de haut niveau du FSB et du GRU, présent en Transnistrie en 1991, en Bosnie en 1994, et dirigeant la mise en place des « Républiques populaires » du Donbass et de Louhansk en 2014. Il a alors organisé l’abattage de l’avion MH17 (298 morts), ce pour quoi il est l’objet d’une condamnation internationale. Depuis plusieurs années, il dénonce l’insuffisance des moyens mis en œuvre par Poutine pour russifier la moitié de l’Ukraine, et il est devenu un « opposant », de droite sans aucun doute pour les ultra-nationalistes, de « gauche » pour ceux qui l’ont fait passer pour un « soldat rouge » voulant « combattre l’impérialisme », à savoir, en tête de tous, Kagarlitsky. Représentant l’aile critique ultra-nationaliste hostile à Prigojine, il a été arrêté une semaine avant ce dernier.
Son mouvement des Patriotes en colère appelle à unir la cause de Kagarlitsky et celle de Girkin et nul doute que si, dans la gauche internationale, on va beaucoup parler de la défense de Kagarlitsky comme de celle d’un « sociologue marxiste », en Russie même, plus de gens peut-être pourraient en entendre parler du côté Girkin et autres rouge-bruns, monarchistes et « patriotes ».
Un tout autre communiqué provient du fil Telegram anarchiste Netchaievtchina : https://t.me/nechaeveverywhere/3951?fbclid=IwAR3OwFd6n3LHQo97bVr4uaqlBwxZCkwL1nKVFJNevHeRHNnr2Bn-ioAdyKU .
Ces camarades, car eux sont des camarades, ne mettent pas en cause le principe d’exiger la libération de Kagarlitsky, mais voient en lui le personnage clef du « dangereux mythe du Donbass révolutionnaire » et déplorent que les nombreux militants menacés de mourir en prison, « militants ordinaires » comme Yevgeny Karakashev, menacé de périr d’une maladie cérébrale, n’aient pas de réseaux influents : en fait on sent bien que ces camarades craignent qu’on parle encore moins de celles-là et de ceux-là maintenant que pourrait démarrer une œcuménique campagne de la « gauche amnésique » en faveur de Kagarlitsky.
Répétons-le : il faut mener campagne pour lui. Mais la terrible question de ces camarades anarchistes russes est-elle légitime ? Oui, elle l’est !
Boris Kagarlitsky, né en 1958, s’est engagé dans le Samizdat, ou dissidence, autour de 1980, et a été arrêté dans les derniers mois de l’ère Brejnev, puis a été « gracié et libéré en 1983 » selon l’article de Wikipédia en anglais sur lui.
Durant la perestroïka, il est l’animateur le plus connu du groupe des Nouveaux socialistes de Moscou, qui, agissant en commun avec un groupe anarcho-syndicaliste et avec un secteur du PCUS qui devait, en 1990, y former le courant « Plate-forme marxiste », a été à l’origine du Front populaire de Moscou, mouvement « informel » qui, échappant plus ou moins au contrôle de ses initiateurs, va soutenir l’élection de Boris Eltsine au Congrès des députés du peuple et à la mairie.
C’est durant cette période que Boris Kagarlitsky devient très prisé par la presse de gauche radicale et d’extrême-gauche en Occident, comme la New Left Review et la revue Quatrième Internationale. Le livre auquel il travaillait depuis des années, Les intellectuels et l’État soviétique de 1917 à nos jours, qui est de loin son ouvrage le plus riche, le plus original et le plus remarquable, parait en anglais en 1988 (en français : aux PUF en 1997).
Ces années prennent fin avec la fin de l’URSS. Lors du putsch d’août 1991, lui-même et son groupe, comme leurs alliés anarcho-syndicalistes et « marxistes du PCUS », adoptent une attitude abstentionniste, ne soutenant pas le mouvement de masse qui s’oppose aux putschistes et que récupérera Eltsine.
Fin 1993, lors de l’affrontement armé entre le président de la « Fédération de Russie » Boris Eltsine et son « parlement », ils prennent parti pour ce dernier et s’engagent dans les combats, les perdant avec lui – Kagarlitstky fait alors un bref séjour en prison où il est molesté. Ce second choix range ses auteurs aux côtés des forces dites « conservatrices » ou « nationales-staliniennes », voire « rouge-brunes ».
Dans ces évènements et par ces choix, le projet de construire en Russie un « Parti du Travail » dont ils étaient porteurs, avorte. Les uns se retirent, d’autre amorcent une grande carrière, comme le dirigeant jusque-là « anarcho-syndicaliste » Andreï Isaïev qui deviendra dirigeant des ci-devant syndicats officiels (toujours aujourd’hui) et soutien de Poutine.
Boris Kagarlitsky lui, commence une carrière à l’Académie russe des sciences et ses contacts internationaux jouent dans son statut de « sociologue marxiste », que nous nous permettrons de contester. De fait, son ouvrage le plus original reste le premier, sur l’intelligentsia russo-soviétique. A partir du début des années Poutine, B. Kagarlitsky anime un « Institut d’étude de la mondialisation et des mouvements sociaux », puis avec la montée d’Internet, le site Rabkor.
Leur activité consiste à dénoncer l’hégémonie « impériale » étatsunienne et à souligner l’intégration de la Russie sous Poutine au néolibéralisme mondial et à l’hégémonie de la finance. Kagarlitsky reprend des formules d’auteurs d’un tout autre calibre comme Immanuel Wallerstein et Samir Amin, et apporte quelques confirmations à Naomie Klein pour le chapitre de son livre sur la « stratégie du choc » néolibérale dans la Russie d’après le putsch de 1991. Il n’y a pas là d’analyses vraiment originales, dont le mouvement ouvrier et la jeunesse russe auraient bien eu besoin dans ces années de formation du poutinisme, dont les aspects nationaux-étatiques sont en fait perçus comme un moindre mal, voire comme un reliquat de « socialisme », par cette gauche perdue.
Comme l’écrit un intervenant, dans les vifs débats des militants russes de ces derniers jours : tout en étant convaincu de sa « collaboration » avec les « autorités » – les organes : chacun sait ce que cela veut dire en Russie -, celui-ci juge cependant Kagarlitsky, comme bien d’autres, idéologiquement tout à fait sincère et il explique que « … c’est bien là le problème fondamental : idéologiquement, Kagarlitsky représente les vestiges (juste des vestiges ?) de l’altermondialisme des années 1990 -première moitié des années 2000, quand la planète Terre fut enveloppée des tentacules du capital euro-américain, par rapport à quoi tout est secondaire (…). Des régimes comme le russe ou l’iranien, bien sûr, ne représentent rien non plus de vraiment bon, mais en principe ils sont un moindre mal par rapport au néofascisme financier planétaire (…). Je pense que c’est là l’idée la plus toxique qui ait circulé dans le milieu de gauche actuel, et pas que lui. »
La « gauche Kagarlitsky », même si les jeunes formés à cette aune le trouvent souvent excessif ou trop compromis, c’est cette gauche qui trouve que mieux vaut un vilain Poutine qu’un Eltsine soi-disant néolibéral, et que le national-étatisme n’a pas que des défauts, ce contre quoi s’insurgent anarchistes et syndicalistes fidèles, mais qui imprègne les habitus culturels de bien des groupes et courants. Et cela se voit à l’heure des choix.
Ainsi, en 2008 : comme le rappelle le camarade Vladislav Starodubtsev, militant ukrainien du Sotsialnyi Rukh, Kagarlitsky salue la guerre géorgienne de Poutine : « Le coup porté aux États-Unis ouvre de nouvelles perspectives de lutte ».
Ainsi, lors des manifestations massives contre la réélection de Poutine en 2011-2012, observe-t-il selon le camarade russe précédemment cité une posture « sceptique », parlant de « classe moyenne petite-bourgeoise et bien nourrie » trop loin des vrais « mouvement sociaux ».
Ainsi, on en arrive au moment décisif : 2014.
Là, Kagarlitsky est la figure emblématique de ce que l’ukrainien Vitalii Kulik appelle le « poutinisme rose » https://politcom.org.ua/kagarlitsky-as-a-mirror-of-pink-putinism. Il dénonce, bien sûr, le Maïdan comme « fasciste », et il raconte à qui veut l’entendre que des centaines de milliers d’ouvriers se sont soulevés dans le Donbass – affabulation totale- appelant de ses vœux une « prise de Kiev par Donetzk ».
Son Institut et son site ont alors de gros moyens – 3,2 millions de roubles selon des sources ukrainiennes https://www.nihilist.li/2015/03/31/kagarlitskij-vojna-i-politicheskaya-korruptsiya/?fbclid=IwAR2sKslj18hRiMO2eRyBrf-fxhcSUFzyYxjVzppnxz4k7b-BC9rPQKn4zHc – provenant du pouvoir russe. Ils irriguent des relais politiques occidentaux, en particulier la Fondation Rosa Luxemburg du parti allemand Die Linke, et le mouvement Stop the War coalition (constitué des années auparavant contre les guerres de G.W. Bush), de conférences et d’informations biaisées, notamment sur le prétendu « pogrom de la maison des syndicats à Odessa » le 2 mai 2014. Une conférence est organisée en Crimée en novembre 2014, avec la participation de Kagarlitsky et de militants occidentaux dont le britannique Richard Brenner. La ligne générale est alors que la Russie doit aider le « soulèvement du Donbass » à arracher toute la « Novorossia » – c’est ce que Poutine avait dessiné dans son discours du 14 avril 2014. La promotion du groupe Borotba https://europe-solidaire.org/spip.php?article33625 , vrai parti-Potemkine pour faire croire aux gauchistes occidentaux que des communistes révolutionnaires avec des tee-shirts du Che combattaient « les nazis ukrainiens » dans le « Donbass », fut organisée aussi à partir du même centre – Kagarlitsky.
Ses relations avec Girkin-Strellkov sont affichées, le site de Kagarlitsky l’interviewe. Les contacts et rencontres avec l’extrême-droite eurasienne de Douguine se multiplient aussi dans cette campagne pour la Novorossia. Selon V. Kulik, pendant l’été puis l’hiver 2014-2015, Kagarlitsky se félicite d’avoir animé, avec les moyens de son Institut dûment renfloué, une « école pour militants sociaux » à Belgorod qui a envoyé ses « élèves » « travailler dans l’appareil gouvernemental des républiques populaires », où grèves, syndicats et langue ukrainienne étaient interdits et où se remplissaient les chambres de tortures.
Il est clair qu’entre la ligne belliciste se couvrant d’un vague verbiage « révolutionnaire », qui a joué un rôle clef en 2014 pour couvrir la contre-révolution poutinienne, et l’orientation de Kagarlitsky en 2022 quand, à partir de février, de même que le n° 2 du « Front de gauche » russe, Alexeï Shakhin, émigré en France (et à la différence du n°1, Serguëi Oudaltsov), il condamne l’ « opération militaire spéciale », il y a une modification.
Cependant, un camarade russe précise que Kagarlitsky affirme qu’il avait raison en 2014 aussi bien qu’en 2022 : ultra-belliciste impérialiste en 2014, opposé à l’ « opération militaire spéciale » en 2022, pour lui c’est une continuité …
Opposé clairement à la guerre à partir du 24 février, Kagarlitsky n’est pas pour autant défaitiste du point de vue russe (même en tenant compte de l’obligation de s’exprimer à mots couverts). Sa condamnation de la guerre depuis le 24 février s’appuie principalement sur la dénonciation d’une dérive dictatoriale en Russie dont elle serait le moyen.
Les plus hostiles des analystes ukrainiens mettent sa position en relation avec la disgrâce de celui qui fut longtemps l’idéologue de Poutine et le maitre-d’œuvre des opérations de propagande autour du « Donbass » et des « nazis ukrainiens » en 2014 et qui aurait donc été son mentor, Vladislav Surkov. Cela n’est pas contradictoire avec le postulat d’une position sincère, pour laquelle Poutine après avoir tourné le dos à une fantasmatique « guerre populaire » en 2014 serait tombé dans un piège lui permettant de marcher à la dictature.
Non seulement les « Patriotes en colère » partisans de Girkin défendent Kagarlitsky, mais celui-ci a reçu depuis son arrestation deux soutiens publics dans les hautes sphères, ce qui indique qu’il y a crise au sommet, débat dans l’appareil d’État, et que ce qui lui arrive participe de cette « crise russe » ouverte notamment depuis le putsch Prigojine.
Il y a donc eu le soutien de Margarita Simonyan, redoutable présentatrice télé qui a appelé, par exemple, à utiliser l’arme alimentaire envers l’Afrique contre l’Ukraine, dont la chaîne Telegram, liée à une chaîne télé, qualifie son arrestation de « honteuse, contre-nature et dégoûtante ». https://t.me/russica2/52942
Il y a, plus encore, les déclarations de Sergei Markov, figure du poutinisme, responsables présent ou passé de divers organismes parapublics de politique étrangère et de contrôle étatique de « l’histoire », qui dénonce son arrestation comme une « très grave erreur politique » et, au passage, le présente comme une figure immense du « mouvement socialiste international de gauche » (sic), appelant « l’administration présidentielle » à collaborer à nouveau, et étroitement, avec lui et ce qu’il représente. https://t.me/logikamarkova/7471
Le camarade Fred Fuentes, militant de Green Left d’Australie, auteur de nombreux articles et jouant un rôle actif dans le soutien internationaliste à l’Ukraine, a diffusé un article https://www.greenleft.org.au/content/solidarity-needed-russian-anti-war-socialist-boris-kagarlitsky appelant à défendre Kagarlitsky contre la répression dans lequel tous les éléments qui viennent d’être présentés ici sont soit ignorés, soit passés sous silence, soit euphémisés comme des divergences passées qui ne doivent pas altérer la nécessaire solidarité. Fred Fuentes signale le soutien de Sergei Markov à Kagarlitsky en qualifiant Markov d’ « éminent intellectuel pro-Kremlin ». C’est un peu court : c’est Markov qui, sur les télés russes, appelait à l’automne 2022 au bombardement nucléaire des capitales européennes, de Londres en particulier.
Girkin, Simonyan, Markov : force est de constater que se sont manifestés en opposition à l’arrestation de Kagarlitsky des représentants de secteurs de l’État russe qui sont, eux, partisans de la guerre, mais la trouvent sans doute mal conduite et manquant d’envergure …
Le questionnement est donc légitime : s’agit-il de défendre un militant de la gauche, du mouvement ouvrier, ou des « forces de progrès » comme on dit parfois, au sens large, cela quelles que que soient les divergences, ou sommes-nous confrontés à une lutte de factions ? Si Girkin n’est pas pour nous un « prisonnier politique », Kagarlitsky en est-il un ?
Cette question est incontournable, de même que la réponse qui a été apportée au début de cet article. Mais le pire serait de s’interdire ce questionnement, de l’écarter comme ce qu’on ne veut pas entendre – d’ailleurs, cela conduirait à ne pas entendre, à nouveau, ce que nous disent les camarades ukrainiens !
Seule la vérité est toujours révolutionnaire. Et la légende dorée d’un éternel dissident qui n’aurait somme toute fait qu’un seul gros faux pas, en 2014, est une légende dorée, une bouillie insipide sans rapport avec la vérité, aussi dure soit-elle.
Mettre en cause cette légende dorée, c’est revisiter toute l’histoire des rapports de la « gauche radicale » à l’URSS devenue Russie depuis maintenant plus de trois décennies. La question Kagarlitsky n’est pas un problème de personnes, mais elle ouvre sur un questionnement historique, politique, et même moral, de grande portée.
C’est peut-être pour cela qu’elle est douloureuse, et qu’une fausse facilité serait de s’engouffrer sans conscience ni réflexion dans un œcuménisme enfin facile, dans une bonne cause « orientale » retrouvée avec les campistes. Rien ne serait pire car cela brouillerait les cartes alors que la réalité mondiale depuis le 24 février impose de les clarifier.
Non, nous ne chanterons pas la défense du « socialiste russe antiguerre et anti-Poutine » bien propre sur lui avec des Mélenchon ou des Corbyn qui, eux, jamais n’ont pris position pour sauver celles et ceux qui restent à sauver, Igor Kuznetsov, Daria Polyudova, Yevgeny Karakashev, sans oublier Maksym Butkevitch, oui, nous devons nous en tenir à la vérité.
Et oui, il faut exiger en toute conscience la libération de Boris Kagarlitsky, car il n’appartient pas à Poutine ou à telle faction de l’oligopole mafieux au pouvoir en Russie de le juger, et parce qu’il appartient à notre histoire dans ses aspects les plus douloureux, et que nous avons aussi le devoir de faire le clair sur elle, pour avoir un avenir en assumant le passé, tout le passé – le vrai passé.
le 28 juillet 2023.
WHY (AND HOW) TO CAMPAIGN FOR THE LIBERATION OF BORIS KAGARLITSKY
by Vincent Présumey
(member of ENSU/RESU
On Wednesday 26 July, we heard that Boris Kagarlitsky had been arrested by Russia’s Federal Security Service (FSB), who promptly transferred him from Moscow to Syktyvkar, in the far north, on charges of “apology for terrorism.” A trial is scheduled for September where he faces up to 7 years in prison.
On 25 July, Boris Kagarlitsky, a well-known intellectual and socialist activist, was arrested by the FSB on charges of “justification of terrorism”, and immediately transferred to Syktyvkar, 1300 km from Moscow. There, at a hearing held behind closed doors and without the presence of his lawyer, the court decided to keep him in detention until his trial, which is due to take place in September, at the end of which he could be sentenced to 7 years in prison.
Kagarlitsky’s prosecution and detention are part of a repressive campaign to silence all voices opposing both the invasion of Ukraine and the Russian government’s domestic policies. Over the last year, the Putin government has prosecuted, imprisoned or forced into exile a number of well-known political figures, intellectuals and activists who have spoken out publicly against the war as ordinary citizens via social networks. Kagarlitsky himself was classified as a “foreign agent” in May.
We express our solidarity with Boris Kagarlitsky and demand his immediate release, as well as that of all those detained on political grounds.
Having said this, a campaign for the release of Boris Kagarlitsky must, for us and, we believe, for European Network in Solidarity with Ukraine (ENSU/RESU) if it were to take position as such, be well understood politically if it is to be effective. This undoubtedly requires all activists to be fully informed. That is the purpose of this article.
To make it clear that we could face a problem, let’s mention two communiqués from Russia.
The first is from Angry Patriots, the fan club of Igor Girkin alias Strelkov: https://t.me/KRPRus/147.
Girkin-Strelkov, well known in Russia and notorious in Ukraine, Bosnia and Moldova, is a high-level FSB and GRU officer who was present in Transnistria in 1991, in Bosnia in 1994, and led the establishment of the “People’s Republics” of Donbass and Luhansk in 2014. He then organised the shooting down of the MH17 plane (298 dead), for which he has been condemned in an international court. For several years now, he has been denouncing the inadequacy of Putin’s efforts to Russify half of Ukraine, and has become an “opponent”, undoubtedly right-wing for the ultra-nationalists, but seen as “left-wing” by others who have passed him off as a “red soldier” wanting to “fight imperialism”, namely, first and foremost, Boris Kagarlitsky. Representing the critical ultra-nationalist wing hostile to Wagner mercenary chief Yevgeny Prigozhin, Girkin-Strelkov was arrested a week before Prigozhin.
His Angry Patriots movement is calling for Kagarlitsky’s cause to be united with Girkin’s, and there is no doubt that while there will be a lot of talk on the international left about Kagarlitsky’s defence as that of a “Marxist sociologist”, in Russia itself, perhaps more people will hear about it from Girkin and other red-browns, monarchists and “patriots”.
A completely different communiqué comes from the anarchist Telegram thread Netchaievtchina: https://t.me/nechaeveverywhere/3951?fbclid=IwAR3OwFd6n3LHQo97bVr4uaqlBwxZCkwL1nKVFJNevHeRHNnr2Bn-ioAdyKU .
These comrades, for they are our comrades, do not question the principle of demanding Kagarlitsky’s release, but see him as the key figure in the “dangerous myth of the revolutionary Donbass” and deplore the fact that the many activists threatened with death in prison, “ordinary activists” like Yevgeny Karakashev, threatened with death from brain disease, have no influential support and solidarity networks: In fact, these comrades fear that even less will be said about ordinary activists now that an broad campaign by the “amnesiac left” in favour of Kagarlitsky is being prepared.
Let us repeat: we must campaign for Kagarlitsky’s release. But is the terrible question of these Russian anarchist comrades legitimate? Yes, it is!
Boris Kagarlitsky, born in 1958, joined the Samizdat (‘self-publishing’, or dissident movement), around 1980, and was arrested in the last months of the Brezhnev era, then “pardoned and released in 1983” according to the Wikipedia article on him.
During perestroika, he was the best-known leader of the Moscow ‘New Socialists’ group. Together with an anarcho-syndicalist group and the “Marxist Platform” current of the CSPU, they were behind the Moscow Popular Front, an “informal” movement which, more or less beyond the control of its initiators, supported Boris Yeltsin’s election to the Congress of People’s Deputies and to the Moscow mayor’s office.
It was during this period that Boris Kagarlitsky became very popular with the radical left and far-left press in the West, such as the New Left Review and the journal Fourth International. The book he had been working on for years, Les intellectuels et l’État soviétique de 1917 à nos jours (Intellectuals and the Soviet State from 1917 to the Present Day), by far his richest, most original and most remarkable work, was published in English in 1988 (in French by PUF in 1997).
These years came to an end with the collapse of the USSR. During the putsch of August 1991, he and his group, like their anarcho-syndicalist and “CPSU Marxist” allies, adopted an abstentionist stance, not supporting the mass movement opposing the putschists, which Yeltsin later took over.
At the end of 1993, during the armed confrontation between the President of the “Russian Federation”, Boris Yeltsin, and his “parliament”, they sided with Yeltsin and took part in the fighting, losing with him – Kagarlitstky then spent a brief period in prison where he was beaten. This second choice placed its authors on the side of the so-called “conservative” or “National-Stalinist”, or even “Red-Brown” forces.
As a result of these events and these choices, the project to build a “Workers’ Party” in Russia, which they had been promoting, was aborted. Some withdrew, others embarked on a great career, like the former “anarcho-syndicalist” leader Andrei Isayev, who went on to become leader of the former official trade unions (still there today) and a supporter of Putin.
Boris Kagarlitsky began his career at the Russian Academy of Sciences. His international contacts contributed to his status as a “Marxist sociologist”, which we will take the liberty of contesting. In fact, his most original work is his first, on the Russian-Soviet intelligentsia. From the beginning of the Putin years, B. Kagarlitsky ran an “Institute for the Study of Globalisation and Social Movements”, then, with the rise of the Internet, he initiated the Rabkor website.
Their work consists of denouncing US “imperial” hegemony and highlighting the integration of Russia under Putin into global neoliberalism and the hegemony of finance. Kagarlitsky adopts formulas from authors of a completely different calibre such as Immanuel Wallerstein and Samir Amin. He provided some confirmations for Naomie Klein’s chapter in her book on the neoliberal ‘shock strategy’ in Russia after the 1991 putsch. There are no really original analyses here, none of the materials which the Russian workers’ movement and young people could have done with in those formative years of Putinism. Indeed, this lost left perceived Putins ‘state-minded’ and nationalist aspects as a lesser evil, or even as a remnant of “socialism”.
As one contributor to the lively debates among Russian activists over the last few days put it: while convinced of his ‘collaboration’ with the ‘authorities’ – which, in Russia, everyone understands as meaning the repressive organs – he nonetheless considers Kagarlitsky, like many others, to be ideologically completely sincere and explains that “…that’s the fundamental problem: ideologically, Kagarlitsky represents the vestiges (just vestiges? ) of the alterglobalism of the 1990s – first half of the 2000s, when planet Earth was enveloped in the tentacles of Euro-American capital, compared to which everything is secondary (…). Regimes like Russia or Iran, of course, don’t represent anything really good either, but in principle they are a lesser evil compared to the global financial neo-fascism (…). I think this is the most toxic idea circulating in today’s left-wing circles, and not only there.”
The “Kagarlitsky left” finds that an ugly Putin is better than a supposedly neo-liberal Yeltsin, and that national-statism does not only have its faults. anarchists and militant trade unionists rail against this, and young people trained in this way often find it excessive or too compromised. But this is the thingking which permeates the cultural habitus of many groups and currents on the Russian left. And it shows when it comes to making choices.
In 2008, as comrade Vladislav Starodubtsev, a Ukrainian activist with Sotsialnyi Rukh, recalls, Kagarlitsky welcomed Putin’s Georgian war, declaring that “the blow dealt to the United States opens up new prospects for struggle”.
During the massive demonstrations against Putin’s re-election in 2011-2012, he took a “sceptical” posture, according to the Russian comrade quoted above, speaking of a “petty-bourgeois, well-fed middle class” too far removed from the real “social movements”.
And so we come to the decisive moment: 2014.
Here, Kagarlitsky is the emblematic figure of what Ukrainian Vitalii Kulik calls “pink Putinism” https://politcom.org.ua/kagarlitsky-as-a-mirror-of-pink-putinism. He denounced Ukraine’s Maidan as “fascist”, of course, and told anyone who would listen that hundreds of thousands of workers had risen up in Donbass – a total fabrication. He called for a “Donetsk takeover of Kiev”.
At the time, his institute and website received substantial funding – 3.2 million roubles according to Ukrainian sources https://www.nihilist.li/2015/03/31/kagarlitskij-vojna-i-politicheskaya-korruptsiya/?fbclid=IwAR2sKslj18hRiMO2eRyBrf-fxhcSUFzyYxjVzppnxz4k7b-BC9rPQKn4zHc – from the Russian authorities. Kagarlitsky’s group provided Western political intermediaries, in particular the Rosa Luxemburg Foundation of the German party Die Linke, and Britain’s Stop the War coalition (formed years earlier to oppose G.W. Bush’s wars), with conferences and biased information, in particular on the alleged “pogrom of the trade union house in Odessa” on 2 May 2014. A conference was organised in [occupied] Crimea in November 2014, with the participation of Kagarlitsky and Western activists including the British Richard Brenner. The general line of this event was that Russia must help the “Donbass uprising” to wrest from Ukraine all of its south and east – the “Novorossia” which Putin outlined in his speech on 14 April 2014. The Kagarlitsky centre also organised the promotion of the Borotba group https://europe-solidaire.org/spip.php?article33625 , a real fake party, a Potemkin party to use a Russian metaphor, to make Western leftists believe that revolutionary communists with Che T-shirts were fighting “Ukrainian Nazis” in “Donbass”.
His relationship with Girkin-Strellkov was public, and the Kagarlitsky website interviewed him regularly. Contacts and meetings with Dugin’s Eurasian far right also increased during the Novorossia campaign. According to V. Kulik, during the summer and winter of 2014-2015, Kagarlitsky boasted that, using the resources of his now solvent Institute, he ran a “school for social activists” in Belgorod which sent its “pupils” to “work in the government apparatus of the people’s republics”. Yes, there where strikes, trade unions and the Ukrainian language were banned and torture chambers filled.
It is clear that there is a change between the warmongering line cloaked in vague “revolutionary” verbiage, which played a key role in 2014 in covering up Putin’s counter-revolution, and Kagarlitsky’s orientation from February 2022 onwards when Kagarlitsky condemned the “special military operation”. So did the No. 2 leader of the Russian “Left Front”, Alexei Shakhin, who emigrated to France (Left Front No. 1 leader Sergey Udaltsov did not change his line).
One Russian comrade points out that Kagarlitsky manages to say he was right in 2014 and also in 2022: ultra-bellicist imperialist in 2014, but opposed to the “special military operation” in 2022, for him there is a political continuity …
Clearly opposed to the war from 24 February onwards, Kagarlitsky is not for all that defeatist from the Russian point of view (even taking into account the obligation to speak in hushed tones). His condemnation of the war since 24 February has been based mainly on his denunciation of a dictatorial drift in Russia, which he sees as the means to this end.
The most hostile Ukrainian analysts link his position to the disgrace of Vladislav Surkov, Putin’s ideologist for many years and the mastermind of the propaganda operations surrounding the “Donbass” and the “Ukrainian Nazis” in 2014, who would therefore have been his mentor. This is not inconsistent with the postulate of a sincere position, for which Putin after turning his back on a phantasmatic “people’s war” in 2014 would have fallen into a trap allowing him to walk to dictatorship.
Not only are Girkin’s “Angry Patriots” supporters defending Kagarlitsky, but since his arrest he has received two public endorsements from the highest echelons, which indicates that there is a crisis at the top, a debate within the state apparatus, and that what is happening to him is part of this “Russian crisis” that has been open, particularly since the Prigozhin putsch.
So there was the support of Margarita Simonyan, the formidable TV presenter who, for example, called for Ukrainians to starve, whose Telegram channel, linked to a TV channel, described her arrest as “shameful, unnatural and disgusting”. https://t.me/russica2/52942
Then there are the statements by Sergei Markov, a Putinist figure who has been or is responsible for various parastatal foreign policy bodies and state control of “history”, denouncing his arrest as a “very serious political error” and, in passing, presenting him as an immense figure in the “international left-wing socialist movement” (sic), calling on the “presidential administration” to collaborate once again, and closely, with him and what he represents. https://t.me/logikamarkova/7471
Comrade Fred Fuentes, a Green Left activist from Australia, author of numerous articles and playing an active role in internationalist support for Ukraine, has circulated an article https://www.greenleft.org.au/content/solidarity-needed-russian-anti-war-socialist-boris-kagarlitsky calling for the defence of Kagarlitsky against repression, in which all the elements just presented are either ignored, passed over in silence or euphemised as past differences which must not alter the necessary solidarity. Fred Fuentes mentions Sergei Markov’s support for Kagarlitsky, describing Markov as an “eminent pro-Kremlin intellectual”. That’s a bit short-sighted: it was Markov who, on Russian television in autumn 2022, called for the nuclear bombing of European capitals, London in particular.
Girkin, Simonyan, Markov: it has to be said that the opposition to Kagarlitsky’s arrest has been voiced by representatives of sectors of the Russian state who are themselves in favour of the war, but no doubt find it ill-conducted and lacking in scope…
The question is therefore legitimate: are we defending a militant of the left, of the workers’ movement, or of the “forces of progress” as it is sometimes called, in the broad sense, whatever the differences, or are we faced with a factional struggle? If Girkin is not a “political prisoner” for us, is Kagarlitsky?
This question is inescapable, as is the answer given at the beginning of this article. But the worst thing would be to deny ourselves this questioning, to dismiss it as something we don’t want to hear – moreover, that would lead to not hearing, once again, what our Ukrainian comrades are telling us!
Only the truth is always revolutionary. And the golden legend of an eternal dissident who, after all, only made one big mistake in 2014, is a golden legend, an insipid mush that bears no relation to the truth, however hard it may be.
To question this golden legend is to revisit the whole history of the relationship between the ‘radical left’ and the USSR, which has now become Russia for more than three decades. The Kagarlitsky question is not a problem of individuals, but opens up a far-reaching historical, political and even moral question.
This is perhaps why it is so painful, and why it would be so easy to rush without conscience or reflection into a finally easy ecumenism, into a good ‘Eastern’ cause rediscovered with the campists. Nothing could be worse, because that would muddy the waters, whereas the global reality since 24 February requires us to clarify them.
No, we won’t be singing the praises of the “anti-war, anti-Putin Russian socialist” with the likes of Mélenchon or Corbyn, who have never taken a stand to save the men and women still to be saved – Igor Kuznetsov, Daria Polyudova, Yevgeny Karakashev, not to mention Maksym Butkevich.
And yes, we must demand in all conscience that Boris Kagarlitsky be released, because it is not up to Putin or any faction of the mafia oligopoly in power in Russia to judge him, and because he is part of our history in its most painful aspects, and we also have a duty to clear the air about it, so that we can have a future by coming to terms with the past, the whole past – the real past.
28 July 2023.